Un nouveau pacte social pour sauver notre industrie

Le poids grandissant des cotisations sociales pèse sur le coût salarial horaire en vigueur dans notre industrie. Aujourd’hui, beaucoup d’indicateurs nous poussent à produire hors de nos frontières. Il est de ma responsabilité d’appeler à un nouveau pacte social pour remettre l’industrie au coeur de la croissance française. » PSA emploie 100.000 personnes en France.

Écrit par

PSA Peugeot Citroën est un constructeur automobile international, mais avec un fort enracinement en France. Nous venons de fêter nos 200 ans d'histoire industrielle et cette origine française est une force et une fierté. Mon souhait est que notre industrie puisse défendre cet ancrage français dans la durée.

En 2010, le groupe a fabriqué en France près de 2 fois plus de voitures qu'il n'en a vendues et produit dans l'Hexagone 41 % de sa production mondiale. Il y réalise plus de 85 % de ses moteurs et la quasi-totalité de sa R & D. Son effectif s'élève à 200.000 personnes, dont 100.000 en France ce qui induit un chiffre d'emplois trois à quatre fois supérieur au sein de la filière automobile nationale.

Mais aujourd'hui, comme de nombreux autres chefs d'entreprise, je constate avec préoccupation que beaucoup d'indicateurs nous poussent à aller produire hors de nos frontières. Bien sûr, nous prenons nos responsabilités. Nous tirons nos marques vers le haut grâce à la qualité de nos produits et de nos services. Nous avons lancé un important chantier d'amélioration de la compétitivité de nos usines françaises centré sur la simplicité et l'efficacité. En outre, PSA Peugeot Citroën s'implique quotidiennement et localement pour soutenir la rénovation de la filière automobile française. Pour autant, il reste énormément à faire, mais ce n'est pas uniquement l'affaire des industriels.

Les constructeurs allemands produisent en Allemagne près de la moitié des véhicules qu'ils vendent dans le monde, contre un tiers pour les constructeurs français

La bonne santé de l'économie allemande s'impose à tous les observateurs : le déficit budgétaire est le plus faible des grands pays européens, la balance commerciale est largement excédentaire, la production manufacturière est en hausse et le taux de chômage n'a jamais été si bas depuis 1992. Et son industrie automobile fait preuve d'une robuste santé. Les constructeurs allemands, qui sont nos premiers concurrents, produisent en Allemagne près de la moitié des véhicules qu'ils vendent dans le monde, contre un tiers pour les constructeurs français. A cela s'ajoute un tissu industriel de PME plus robuste financièrement et plus tourné vers l'exportation, un niveau de qualification plus solide, des investissements élevés en R & D ; bref, autant d'atouts qui expliquent et renforcent la performance allemande.

Au-delà de la réflexion comparative actuellement menée sur la convergence fiscale française et allemande, la France doit avoir le courage de remettre à plat, sans préjugés, le mode de financement de son modèle social.

Force est de constater que l'un des avantages compétitifs de l'industrie française, son coût salarial horaire complet, s'est dramatiquement érodé au cours de la dernière décennie. Le salaire net d'un Allemand reste supérieur de 20 % à celui d'un Français. En revanche, pour l'employeur, le coût global est identique des deux côtés alors qu'il était de 12 % inférieur pour le Français en 2000. L'avantage s'est perdu et ce n'est pas le salarié qui en a bénéficié. Pourquoi cela ? Parce que le poids des cotisations sociales s'est accru en France, représentant aujourd'hui 83 % du salaire net, contre 47 % en Allemagne.

Le levier prioritaire est la baisse des cotisations sociales qui pèsent sur le coût du travail

Ce n'est donc pas sur la modération salariale que l'on doit agir en premier lieu pour restaurer l'avantage compétitif de l'industrie française. Le levier prioritaire est la baisse des cotisations sociales qui pèsent sur le coût du travail. Compétitivité et fiscalité sont intrinsèquement liées. L'augmentation des cotisations sociales pèse plus lourdement encore sur les secteurs exposés à la concurrence internationale. Pourtant, il n'y a pas de fatalité et les constructeurs automobiles allemands nous démontrent en effet qu'on peut à la fois être leader dans la compétition internationale et maintenir l'emploi et l'investissement sur son marché d'origine.

Que faire alors ? Pas question, bien évidemment, de remettre en cause le principe même des cotisations salariales. Il faut en revanche revoir leur assise, et définir ce qui relève du travail (chômage, retraite) et ce qui n'en relève pas (famille, santé, dépendance, exclusion). Il n'est simplement plus tenable de faire peser l'essentiel du financement de la solidarité nationale sur les seuls salariés.

Cette réflexion exige une remise à plat de notre système de prélèvements. Elle est difficile car elle risque d'affecter, dans un premier temps, la consommation des ménages. Mais elle est absolument nécessaire car laisser dériver la compétitivité du site industriel France n'est certainement pas une option.

Durant six années passées en Angleterre au cours de la dernière décennie, j'ai assisté peu à peu à la disparition de pans entiers de l'industrie britannique et j'ai acquis la conviction qu'un pays qui perd la maîtrise de son industrie ne la retrouve jamais. Aujourd'hui, à la tête de PSA Peugeot Citroën, il est de ma responsabilité d'appeler à un nouveau pacte social pour remettre l'industrie au coeur de la croissance française.

Philippe Varin

L'appel du patron de PSA

Partager cet article